Cuverville, 3 juin 16
Mon cher ami,
Je retrouve "Parmi les cendres" toute votre pensée et cette belle ferveur pour quoi surtout je vous admire et vous aime. De quel coeur solide vous aimez ! En vous lisant je repense à cette parole de l’Apocalypse qui gonflait d’enthousiasme mon enfance "Tiens ferme ce que tu as, afin que personne ne ravisse ta couronne."
Théo [Van Rysselberghe] que j’ai vu la semaine dernière vous aura transmis mes souvenirs ; je ne pouvais passer à Paris que deux jours, et vous ne vous serez pas étonné plus que lui n’est-ce pas, que je me sois dérobé à cette cérémonie de lundi dernier, plus officielle qu’amicale et où j’eusse risqué rencontrer trop de gens pour qui je préférerais n’être point à Paris. Mais si, comme je l’espère, j’y puis revenir dans un mois et pour un temps moins bref, je ne manquerai pas d’aller vous voir, et au Luxembourg et à Saint Cloud.
Ma femme vous envoie ses meilleurs souvenirs et à Madame Verhaeren ; présentez-lui mes amicaux hommages.
Je suis bien fidèlement et fortement vôtre.
André Gide